Le roman de Daphne du Maurier s’offre une nouvelle adaptation concernant Netflix, 80 annees apres la soiree mythique d’Alfred Hitchcock.

Le roman de Daphne du Maurier s’offre une nouvelle adaptation concernant Netflix, 80 annees apres la soiree mythique d’Alfred Hitchcock.

Entre fidelite a l’?uvre attrayante et volonte d’en moderniser des enjeux, Rebecca reussit-il son difficile pari ?

« La nuit derniere, j’ai reve que je retournais a Manderley« meilleur site de rencontres de niche . Notre voix off de Joan Fontaine, enigmatique et solennelle, egraine ces mots tandis qu’en votre lent travelling, la camera penetre cette discipline majestueux et inquietant de Manderley. D’abord votre portail, puis un sous-bois, ainsi, soudain le manoir, comme une apparition fantomatique, une image mentale qui ne subsisterait que au domaine trouble des reves. C’est l’introduction mythique du Rebecca d’Alfred Hitchcock (1940), qui, dit-on, inspira a Orson Welles l’ouverture de Citizen Kane, ainsi que le manoir de Manderley servit de modele a sa forteresse de Xanadu. Premier film americain et premiere collaboration d’Hitchcock avec David O. Selznick, le tournage se heurta a toutes les temperaments orageux des deux hommes, et a leurs visions divergentes du roman de Daphne du Maurier dont le film est tire. Rebecca demeure neanmoins l’un des (nombreux) sommets une filmographie himalayenne de Hitchcock, et le chateau de Manderley, glacialement spectral ou vacillant sous des flammes, l’une des images nos plus profondement gravees dans l’imaginaire cinephile.

Ce n’est nullement un remake du film de Hitchcock, nous avertit gravement le dossier de presse du film, mais une nouvelle adaptation (censement modernisee) du roman de Daphne du Maurier que publie Netflix ce 21 octobre. Ardu cependant de se departir de l’ombre vampirisante du maitre britannique, et, apres que le « toudoum » rituel des productions Netflix a raisonne comme un gong, c’est une phrase familiere qui accompagne notre deambulation fievreuse au sein des allees d’un domaine non moins familier : « La nuit derniere, j’ai reve que je retournais a Manderley« .

Retour a Manderley

Ce n’est plus Joan Fontaine, mais Lily James (Baby Driver, Downton Abbey) qui incarne une jeune dame de compagnie aux services d’une veuve acariatre en villegiature a Monte-Carlo. Alors que sa life lui semble une prison, la petit femme croise la route de Maxim de Winter (incarne avec Armie Hammer qui reprend le flambeau brulant laisse avec Laurence Olivier), jeune et riche veuf ayant perdu sa femme, Rebecca, dans des circonstances tragiques tenues secretes. Apres une romance express sur la Cote d’Azur, les deux soupirants s’unissent, et Maxim emmene la nouvelle Mrs de Winter dans sa demeure ancestrale de Manderley, quelque part sur la mysterieuse cote des Cornouailles. Les premiers contacts avec le personnel du manoir, regente par l’inquietante Mrs Danvers, paraissent glaciaux. Cette derniere (sous des traits de Kristin Scott Thomas, a l’espace de Judith Anderson), attachee depuis i  chaque fois aux prestations de feue Mrs de Winter, voue un culte a sa maitresse defunte, et voit d’un mauvais ?il l’intrusion d’une « usurpatrice ». Alors que le fantome de Rebecca continue de hanter le chateau, des secrets enfouis vont ressurgir.

C’est a Ben Wheatley, ancien clippeur reconverti cineaste, que l’on devra cette relecture du roman de Daphne du Maurier (autant que du chef-d’?uvre d’Hitchcock, qu’on le veuille ou non). Specialiste du croisement des genres, a Notre peripherie du cinema bis, Weatley aura connu de grosses sommes diverses : un certain succes avec Kill List (2011), improbable hybridation entre du Ken Loach et un folk horror movie, et bien de revers comme avec Touristes (2012), romance gore entre deux desaxes, High-Rise (2015), relecture retrofuturiste d’un roman de J.G. Ballard, mais aussi Free Fire (2016), huis clos petardant lointainement tarantinien. Si son gout Afin de la serie B et l’enchevetrement des genres ne le predestinait a priori gui?re a readapter le roman de Daphne du Maurier, la maniere qu’a le recit de fuguer d’un registre a l’autre, de la romance ensoleillee au drame psychologique – voire au film de fantome crypto-fantastique – aurait finalement pu lui sied. Helas, en tentant de s’approprier le roman et d’en actualiser (timidement) les enjeux, le cineaste desepaissit le trouble veneneux qui enfievrait l’adaptation d’Hitchcock, et rend le boutique bancale.

Un trouble efface

Si ce Rebecca 2020 beneficie d’une mise en scene appliquee, elle manque cruellement de vertige. Le jeu stupefiant sur la profondeur de champ, dans un noir et blanc abrasif, qui rendait chez Hitchcock les travees de Manderley aussi belles que lugubres, fera place a une teinte bleutee vaporeuse (etalonnee a la serpe numerique) censee emuler par la teinte, l’etrangete atmospherique du chateau. Mes quelques sequences de reve, additions de Wheatley au materiau d’origine, seront quant a elles platement symbolistes – le sol qui se transforme en racines vivantes et emporte l’heroine dans les trefonds du manoir – Afin de ne point penser terriblement convenues.

Mais le veritable probleme de la video se situe dans la maniere assez illisible qu’il a de chercher a moderniser 1 recit vieux de 80 ans. S’il suit longuement le canevas de l’adaptation d’Hitchcock, a des details insignifiants pres, c’est dans son soir tiers, i  l’instant ou advient la revelation terrible dans la mort de Rebecca (dont on taira ici la nature), que la soiree bifurque. Censure oblige, Hitchcock avait du contourner votre passage cle du roman (ou il est question d’un meurtre) pour le rendre acceptable aux yeux d’la production et du public. Wheatley revient donc a l’explication originelle d’la fond, celle du roman. Or, c’est justement dans l’esquive geniale d’Hitchcock, dans le louvoiement malicieux, qu’affleurait toute la perversite larvee du recit. Contraint de taire la nature veritable de la mort de Rebecca lors de la scene fameuse de la cabane de peche, Hitchcock transformait le dialogue remanie en 1 aveu mutique, ou Notre mise en scene prenait le jamais i  propos des mots, pour finalement livrer avec l’image (un vacillement, une hesitation, un gros plan qui ne trompe nullement) ce qu’on lui sommait justement de dissimuler. En esquivant une telle esquive, Afin de se conformer a la version du roman, Wheatley efface votre trouble incandescent.